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   Guérir autrement 
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   Stress, anxiété, dépression : la médecine classique reste souvent impuissante 
   à soulager ces souffrances. Pourtant, d autres méthodes, inspirées de 
   sagesses anciennes ou issues de récentes études sur le cerveau, ont prouvé 
   leur efficacité. Dans son livre "Guérir", David Servan-Schreiber, psychiatre 
   et chroniqueur à "Psychologies", nous entraîne à la découverte de ces 
   "médecines des émotions". Gros plan sur trois d'entre elles 
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aut-il 
 à tout prix plonger dans les médicaments pour surmonter la dépression ? La 
 psychanalyse est-elle l'unique réponse à l'anxiété et au stress ? A ces deux 
 questions, David Servan-Schreiber répond clairement par la négative. Mais avec 
 optimisme : oui, la dépression et le stress peuvent se guérir, vraiment se 
 guérir, autrement...
 
 Dans son ouvrage "Guérir" (Robert Laffont), le chroniqueur bien connu des 
 lecteurs de "Psychologies" (« Nos cellules aiment la vérité », « En finir avec 
 la douleur »...) nous fait partager son expérience de psychiatre spécialisé 
 dans les nouvelles approches thérapeutiques de la souffrance mentale : 
 acupuncture, nutrition, respiration, sport, thérapie par la lumière, 
 communication émotionnelle...
 
 C'est au Centre de médecine complémentaire, qu'il a cofondé et dirigé au sein 
 de l'université américaine de Pittsburgh, qu'il a pu mesurer les bienfaits de 
 ces 
 médecines, anciennes comme l'acupuncture, ou contemporaines comme l'EMDR (en 
 français, Intégration neuroémotionnelle avec les mouvements oculaires). « Ces 
 méthodes ont fait l'objet d'études scientifiques argumentées qui établissent 
 leur efficacité ; pourtant, notre science médicale ne s'y intéresse que pour 
 les décrier, regrette l'auteur. Tout en restant dans une démarche rationnelle, 
 j'ai cherché à en savoir plus sur ce "territoire noir" de la médecine. Il me 
 semblait en effet absurde et antiscientifique de renoncer à ces traitements, 
 simplement parce que leurs mécanismes restent incompréhensibles. »
 
 Jeune psychiatre, David Servan-Schreiber (fils du journaliste Jean-Jacques) a 
 consacré cinq ans à un doctorat en sciences cognitives sur le rôle des neurones 
 dans la genèse des pensées et des émotions. Des travaux menés aux Etats-Unis, 
 supervisés par le prix Nobel Herbert Simon et couronnés par une publication 
 dans la prestigieuse revue "Science". Dans "Guérir", il met sa rigueur de 
 scientifique au service de l'étude des médecines "différentes". Pour aboutir à 
 un constat : « Toutes ces méthodes ont en commun de tirer parti des mécanismes 
 d'autoguérison du cerveau et du lien intime qui existe entre le corps et les 
 émotions. »
 
 La lecture par ordinateur des intervalles entre les battements cardiaques 
 valide les intuitions des poètes : notre coeur bat au rythme de nos émotions. 
 Mais l'influence de l'esprit sur le coeur n'est pas à sens unique ; les 
 battements cardiaques ont aussi un impact sur le cerveau. Certains spécialistes 
 évoquent aujourd'hui l'existence d'un véritable "système coeur-cerveau". 
 
 Ainsi, les cardiologues savent qu'une dépression qui survient peu après un 
 infarctus est un très mauvais signe pour la survie du malade à court terme... 
 Mais cette dépression est-elle psychologique, liée à la peur de la mort passée 
 si près ? Ou d'origine organique, le coeur abîmé par l'infarctus n'étant plus 
 en état de ressentir d'émotions agréables ? Nul ne le sait encore, mais on peut 
 peut-être en conclure que des battements de coeur "cohérents", donc harmonieux, 
 aident le cerveau à lutter contre la dépression et le stress. « La "mise en 
 cohérence cardiaque" nous enseigne à regarder notre corps vivre l'émotion, à la 
 voir se développer et s'évanouir naturellement, souligne David 
 Servan-Schreiber. Elle permet notamment d'établir l'harmonie entre nos deux 
 cerveaux. » 
 
 
 => Comment s'y prendre
 Pour se mettre en cohérence cardiaque, il faut commencer par... respirer. 
 Prendre plusieurs inspirations-expirations lentes et profondes en marquant une 
 petite pause après l'expiration. Puis, après cette phase de stabilisation, 
 porter son attention vers le coeur, visualiser ses mouvements lents, imaginer 
 l'inspiration qui lui apporte l'oxygène et l'expiration qui le débarrasse de 
 ses déchets. Enfin, on accompagne la sensation de chaleur qui se développe dans 
 la poitrine avec des pensées douces : évocation du visage de ceux que l'on 
 aime, images de la nature, ferveur de la prière... A chacun de trouver son 
 émotion positive. 
 
 « Pendant cet exercice, on constate parfois qu'un sourire monte doucement aux 
 lèvres, comme s'il était né dans la poitrine et venu éclore sur le visage. 
 C'est un signal tout simple que la cohérence s'est établie », explique David 
 Servan-Schreiber. Alors, c'est l'apaisement dans la tempête, aussi bien 
 psychique que physique. D'ailleurs, lorsque la personne qui se met en cohérence 
 est reliée à un logiciel informatique par des capteurs de type 
 électrocardiogramme (technique dite du "biofeedback"), l'écran de l'ordinateur 
 montre clairement la mise en cohérence des tracés cardiaques sous la forme 
 d'ondes régulières et douces ! 
 
 Avec l'habitude, la mise en cohérence cardiaque peut se pratiquer à tout moment 
 de la journée et particulièrement en pleine action, au travail ou dans 
 l'urgence, pour dénouer le stress. On peut aussi s'y initier en suivant des 
 cours de yoga traditionnel (hatha yoga), une technique plurimillénaire qui 
 repose depuis toujours sur la cohérence coeur-cerveau. 
 
 
 
Réconcilier nos deux cerveaux
 
 Nous avons tous deux cerveaux, explique David Servan-Schreiber. Premier, 
 émotionnel, le cerveau limbique (que nous partageons avec tous les mammifères) 
 se préoccupe avant tout de notre survie. Ce cerveau émotionnel maîtrise 
 l'équilibre physiologique (respiration, rythme cardiaque, etc.). 
 Essentiellement connecté au corps, il communique par son intermédiaire et lui 
 fait exprimer les émotions élémentaires comme la peur ou le plaisir. Le cerveau 
 cognitif, lui, s'est formé au cours de l'évolution de l'espèce. Il recèle nos 
 capacités de traitement de l'information classiquement assimilées à 
 l'intelligence. C'est le cerveau cognitif qui déduit que cette forme longue 
 aperçue dans le noir est un morceau de bois ; le cerveau limbique, plus rapide 
 et prudent, aura déjà commandé un pas en arrière de crainte qu'il ne s'agisse 
 d'un serpent.
 
 « Nos deux cerveaux cohabitent, note le psychiatre. Ils peuvent s'ignorer, mais 
 il arrive aussi qu'ils se court-circuitent à notre détriment. » Stress, 
 anxiété, dépression témoignent notamment de la prise de pouvoir d'un cerveau 
 sur l'autre. Ainsi, la victime d'une attaque de panique ne parvient plus à 
 maîtriser son corps (coeur qui s'affole, estomac noué, poussées d'adrénaline 
 et, surtout, sensation de mort imminente), alors que toute sa raison lui crie 
 qu'il n'y a pas de danger réel. 
 
 A l'opposé, quand le cerveau émotionnel est étouffé par le cerveau cognitif, 
 nous n'entendons plus ses appels au secours. C'est ainsi que l'on peut se 
 satisfaire d'un emploi stérile, s'enfermer dans un mariage malheureux... Mais 
 le cerveau émotionnel ne se laisse pas bâillonner si facilement ; il exprimera 
 son malaise avec les mots du corps : fatigues inexpliquées, problèmes de peau, 
 infections à répétition... »
                                        
                                        
                                        
                                        
                                        
                                        
                                        
                                        
                                        